Les sciences cognitives constituent un domaine fascinant qui explore l'esprit humain à travers une approche interdisciplinaire. Contrairement à une idée répandue, elles ne se limitent pas aux neurosciences, bien que celles-ci en fassent partie intégrante. Elles englobent un ensemble de disciplines complémentaires, chacune apportant un éclairage unique sur les mécanismes sous-jacents de notre cognition, nos comportements et nos interactions sociales.
Les sciences cognitives croisent ainsi les neurosciences, la psychologie, la sociologie, la linguistique, la philosophie et les sciences computationnelles, toutes unies par un objectif commun : comprendre comment notre esprit fonctionne en s'appuyant sur des méthodologies scientifiques rigoureuses. En formulant des hypothèses, en isolant des variables et en mesurant leurs effets, ces disciplines tentent de percer les mystères de la pensée humaine.
L'un des atouts majeurs des sciences cognitives est leur capacité à analyser la cognition humaine à plusieurs niveaux. Cela va de l'étude des neurones et des synapses à l'observation des interactions sociales et de la cognition collective. Cette approche permet d'explorer les liens entre les phénomènes microscopiques observés au niveau cellulaire et les dynamiques sociales et sociétales, offrant ainsi une perspective intégrée des processus cognitifs, bien que ces relations soient souvent complexes et non linéaires.
Pour comprendre ce qui fonctionne réellement dans l'apprentissage, il est essentiel d'adopter une approche scientifique rigoureuse, fondée sur des données probantes. Cela implique d'évaluer objectivement l'efficacité des méthodes d'apprentissage en mesurant des variables, en contrôlant certaines conditions et en comparant des groupes. Ce processus est crucial pour éviter les biais de confirmation – cette tendance naturelle à privilégier les informations qui confirment nos croyances préexistantes, au détriment d'une analyse impartiale. En poursuivant cet objectif, les sciences cognitives apportent une perspective interdisciplinaire qui éclaire l'apprentissage sous plusieurs angles complémentaires, chacun contribuant à une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels nous acquérons des connaissances et des compétences.
Les neurosciences contribuent à notre compréhension des mécanismes cérébraux impliqués dans l'apprentissage, révélant que celui-ci repose sur des réseaux neuronaux largement distribués plutôt que sur des régions isolées. Parmi les structures clés de ces réseaux, on trouve l'hippocampe, fortement impliqué dans la formation de la mémoire déclarative (celle des faits et événements que l'on peut exprimer verbalement), le striatum influençant la prise de décision, mais aussi le cortex préfrontal, crucial pour les fonctions exécutives et la métacognition, et l'amygdale, qui joue un rôle déterminant dans l'apprentissage émotionnel et la modulation de la mémorisation par les émotions.
Les neurosciences s'intéressent également à des mécanismes cellulaires fondamentaux, comme la plasticité cérébrale – la capacité du cerveau à modifier sa structure et ses fonctions en réponse aux expériences. Cette plasticité opère à travers divers mécanismes: le renforcement de certaines connexions synaptiques, la formation de nouvelles connexions (synaptogenèse), mais aussi, dans certaines régions comme l'hippocampe, la formation de nouveaux neurones (neurogenèse). Ces mécanismes permettent au cerveau de s'adapter continuellement et constituent le substrat biologique de l'apprentissage et de la mémoire.
La psychologie cognitive complète cette analyse en s'intéressant aux processus mentaux impliqués dans l'apprentissage : attention, mémoire, raisonnement. Elle explore comment ces processus interagissent, comment nous pouvons les optimiser, et comment l'environnement influence notre capacité à apprendre. Elle a par exemple mis en évidence les bénéfices pour la mémoire de la répétition des informations (Latimier et al., 2021), de l’espacement des apprentissages (Cepeda et al., 2008), ou encore l’influence de la familiarité avec le sujet sur l’efficacité de sa mise en pratique (cf notre podcast sur le sujet).
L'apprentissage ne se limite toutefois pas aux mécanismes individuels. L'interaction sociale joue un rôle central dans l'acquisition des connaissances. Nous apprenons en observant et en imitant les autres, ce qui fait de l'apprentissage collaboratif un outil puissant. Les concepts de cognition distribuée (qui étudie comment l'information est représentée et transformée dans des systèmes comprenant des individus, des artefacts et des environnements, formant ensemble un système cognitif intégré) et d'apprentissage social (l'acquisition de connaissances par l'observation, l'imitation et l'interaction avec les autres) illustrent comment les échanges entre individus et leur environnement matériel permettent de partager et de co-construire des savoirs qui dépassent les capacités cognitives individuelles.
Le langage joue aussi un rôle crucial, car c'est le véhicule principal à travers lequel les connaissances sont transmises. L'étude de la linguistique cognitive nous aide à comprendre comment la structure du langage façonne notre perception du monde et notre capacité à conceptualiser de nouvelles idées.
Enfin, la philosophie apporte une réflexion fondamentale sur la nature de la compréhension elle-même, interrogeant ce que signifie « comprendre » et comment distinguer les différentes formes de savoir.
Les sciences cognitives offrent un potentiel considérable d'applications dans le domaine de la formation, notamment à travers les Learning Management Systems (LMS). Ces plateformes numériques qui permettent de créer, gérer et diffuser des formations en ligne. Cependant, l'intégration effective des principes cognitifs dans ces systèmes reste inégale, allant de simples ajustements cosmétiques à des restructurations fondamentales de l'expérience d'apprentissage.
Ces outils peuvent être conçus pour exploiter les principes cognitifs et améliorer l'efficacité de l'apprentissage. Plusieurs stratégies complémentaires peuvent être mises en œuvre. Premièrement, la gestion de la charge cognitive – en structurant les informations de manière à éviter la surcharge cognitive, situation où notre cerveau reçoit trop d'informations à traiter simultanément – permet aux apprenants d'assimiler les concepts plus efficacement (Sweller et al., 2019). Deuxièmement, l'optimisation du séquençage pédagogique consiste à présenter les informations selon une progression adaptée, en s'assurant que chaque nouveau concept s'appuie sur des connaissances préalablement maîtrisées, conformément aux principes de zone proximale développé par Vygotsky.
De plus, les LMS peuvent être programmés pour implémenter la pratique espacée (spaced practice), une technique où les exercices sont distribués de manière optimale dans le temps plutôt que concentrés en une seule session (massed practice). Cette approche s'appuie sur l'effet d'espacement (spacing effect), un phénomène robuste en psychologie cognitive qui montre que l'espacement des révisions peut atténuer la courbe de l'oubli – ce phénomène où l'on oublie rapidement ce que l'on a appris si l'on ne le réactive pas régulièrement. Pour maximiser l'efficacité, l'espacement optimal devrait être adapté à la complexité du matériel, au niveau d'expertise de l'apprenant et à la nature des connaissances (déclaratives ou procédurales) (Cepeda et al., 2008).
Enfin, l'introduction de solutions populaires, comme des modules de gamification (l'utilisation d'éléments et mécanismes du jeu dans des contextes non ludiques) ou des quiz interactifs, doit être implémentée avec discernement. Les recherches montrent que ces approches peuvent avoir des effets variables sur la motivation selon les profils d'apprenants (Hamari et al., 2014): si elles peuvent stimuler l'engagement à court terme pour certains, elles risquent de transformer la motivation intrinsèque en motivation extrinsèque pour d'autres, particulièrement lorsque l'accent est mis sur les récompenses externes plutôt que sur la valeur inhérente de l'apprentissage (voir notre podcast à ce sujet).
Les sciences cognitives, par leur approche interdisciplinaire, offrent une vision enrichissante et nuancée de la cognition humaine. En combinant neurosciences, psychologie, sociologie, linguistique, philosophie et sciences computationnelles, elles permettent de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de l'apprentissage et de la pensée. Ces connaissances ouvrent des perspectives intéressantes dans la formation, notamment à travers les LMS, en proposant des méthodes plus efficaces et basées sur des données probantes.
Aujourd’hui, il est essentiel d’apprendre tout au long de sa vie. Les sciences cognitives offrent les clés pour optimiser nos capacités à apprendre, à nous adapter et à progresser. En mettant en œuvre des principes cognitifs dans les outils de formation, nous pouvons favoriser un apprentissage plus durable et motivant, tout en reconnaissant que les principes dérivés des études en laboratoire doivent être adaptés avec soin aux contextes d'apprentissage réels, avec leurs contraintes et spécificités propres.
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