L’effet de spacing ou comment garantir un apprentissage durable

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Une formation présentée de manière répétée et espacée dans le temps - effet de spacing - est une garantie pour une apprentissage durable

Qui ne s’est jamais dit : « ce soir je ne dors pas, je dois absolument maîtriser ce dossier ou ce cours avant demain matin ». Ce marathon d’apprentissage ou de révision, une majorité d’entre nous se l’est déjà imposé à l’approche d’examens ou d’un événement important. L’apprentissage massé (travailler beaucoup et d’un seul coup) va parfois nous permettre d’être suffisamment au point le lendemain. Mais « avoir en tête » temporairement ces notions -apprises trop rapidement- peut nous donner l’illusion de les maitriser. Qu’en est-il une ou deux semaines après, voire même 6 mois après ? Est ce que nous les avons vraiment apprises ?

Effet de spacing pour un apprentissage durable : illustration 1

L'effet de spacing

De nombreuses études ont révélé que le travail en session massée est moins efficace en matière de mémorisation à long terme que celui en sessions espacées [1]. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet de « spacing » ou effet d’espacement [2].

Pour qu’une trace en mémoire soit renforcée et consolidée, la répartition des sessions d’apprentissage doit s’étaler dans le temps. Ces périodes peuvent s’étendre sur quelques jours pour l’encodage d’informations simples. En effet, certaines études montrent une meilleure mémorisation et une meilleure maitrise des concepts lorsque les séances ont été espacées seulement sur 4 courtes sessions par rapport à une seule plus longue [3]. Mais ces périodes peuvent aller jusqu’à plusieurs mois ou années pour l’encodage d’informations plus complexes [4]. C’est à l’image des entrainements de sportifs de haut niveau qui perfectionnent pendant des années leurs gestes techniques pour que ces derniers deviennent complètement automatiques et soient maitrisés parfaitement.

Cet effet de « spacing »  s’applique à de nombreux types d’apprentissage comme apprendre à conduire des entretiens [5], à maîtriser des techniques chirurgicales [6] ou encore à jouer à des jeux vidéo [7] ou au piano [8]. De plus, le spacing est extrêmement puissant. Des études ont montré que meilleure est cette maîtrise plus elle est associée à un meilleur transfert de cet apprentissage à d’autres contextes [9]. Autrement dit, ces connaissances peuvent être utilisées non seulement dans le contexte d’apprentissage, mais dans tout autre contexte pertinent.

Effet de spacing pour un apprentissage durable : illustration 2

Ainsi une information présentée de manière répétée et espacée dans le temps est mieux retenue et mieux maîtrisée que la même information présentée de manière massée. Mais pourquoi une telle différence, alors que le temps total passé à apprendre peut rester identique dans les deux cas ?

 

L’acquisition d’une nouvelle compétence, un processus qui s’étale dans le temps

Il semblerait que cette différence soit expliquée en partie par une des propriétés fondamentales du fonctionnement de notre système nerveux et en particulier de notre mémoire: l’encodage et la consolidation par les neurones d’une nouvelle information ne se fait pas en une seule fois ! Ces propriétés biologiques des neurones sont partagées avec beaucoup d’autres espèces animales. L’encodage et la consolidation d’une trace mémorielle durable dans notre cerveau passe par un processus en plusieurs étapes qui s’étale dans le temps.

Lorsque nous apprenons une nouvelle information, celle-ci sera d’abord stockée dans notre mémoire à court-terme, c’est l’étape d’encodage. Mais une information stockée uniquement dans la mémoire à court-terme reste très labile. La trace mémorielle, c’est à dire l’empreinte laissée dans le cerveau par l’apprentissage de cette nouvelle information, est fragile et peut disparaître rapidement..

Si nous voulons qu’elle soit acquise pour longtemps, il faut que notre cerveau l’intègre et la stocke dans notre mémoire à long terme : c’est l’étape de consolidation. Cette étape permet de stabiliser progressivement la nouvelle information dans nos réseaux neuronaux. Elle fait appel à des mécanismes biochimiques et moléculaires qui prennent du temps : plusieurs heures, voire plusieurs jours peuvent être nécessaires avant d’aboutir à la formation d’une trace mémorielle facilement ré-activable lors du rappel. En s’entraînant de manière espacée dans le temps, nous facilitons donc la consolidation de l'information dans notre mémoire à long terme. En revanche, en s’entraînant de manière massée, notre cerveau n’a pas le temps de stabiliser cette trace mémorielle. Elle peut être donc rapidement perdue.

Le spacing, une protection contre l’oubli

Quels sont les mécanismes neurobiologiques qui explique cet effet du « spacing » ? De nombreuses études chez les rats ont montré que les neurones de l’hippocampe sont impliqués dans la mise en mémoire de nouvelles informations et dans les processus de consolidation à long terme. Les chercheurs ont d’abord confirmé que les rats suivant des sessions d’entrainement distribuées dans le temps mémorisaient plus efficacement une nouvelle information que ceux qui suivaient des sessions massées [10]. Mais surtout, ils ont montré que les nouveaux neurones générés une semaine avant cette session d’entrainement dans l’hippocampe (aussi appelé phénomène de neurogenèse), survivaient plus longtemps. Ces neurones seraient donc comme protégés et participeraient ainsi à la formation de cette trace mémorielle plus persistante.

Ainsi, toutes ces recherches scientifiques nous montrent bien que ce n’est pas en compressant nos sessions d’apprentissages en une seule que l’on aura une acquisition solide de nos nouvelles connaissances. Mais c’est en respectant le fonctionnement de notre cerveau et les étapes de consolidation nécessaires à l’ancrage de nouvelles connaissances que nous serons capables de mieux manipuler ces informations et les conserver dans le temps. Respecter une régularité de révisions étalée dans le temps, est donc une excellente manière d’apprendre mieux et d’oublier moins !

RÉFÉRENCES :

[1] Cepeda, N. J., Pashler, H., Vul, E., Wixted, J. T., & Rohrer, D. (2006). Distributed practice in verbal recall tasks: A review and quantitative synthesis. Psychological bulletin, 132(3), 354.
[2] Ebbinghaus, H. (1885). Über das Gedächtnis. New York, NY: Dover.
[3] Moulton, C. A. E., Dubrowski, A., MacRae, H., Graham, B., Grober, E., & Reznick, R. (2006). Teaching surgical skills: what kind of practice makes perfect?: a randomized, controlled trial. Annals of surgery, 244(3), 400.
[4] Hattie, J. (2008). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement. Routledge.
[5] Heidt, C. T., Arbuthnott, K. D., and Price, H. L. (2016). The effects of distributed learning on enhanced cognitive interview training. Psychiatry Psychol. Law 23, 47–61. doi: 10.1080/13218719.2015.1032950
[6] Andersen, S. A. W., Mikkelsen, P. T., Konge, L., Cayé-Thomasen, P., and Sørensen, M. S. (2016). Cognitive load in distributed and massed practice in virtual reality mastoidectomy simulation. Laryngoscope 126, E74–E79. doi: 10.1002/lary.25449
[7] Stafford, T., and Dewar, M. (2014). Tracing the trajectory of skill learning with a very large sample of online game players. Psychol. Sci. 25, 511–518. doi: 10.1177/0956797613511466
[8] Simmons, A. L. (2011). Distributed practice and procedural memory consolidation in musicians’ skill learning. J. Res. Music Educ. 59, 357–368. doi: 10.1177/0022429411424798
[9] Smith CD and Scarf D (2017) Spacing Repetitions Over Long Timescales: A Review and a Reconsolidation Explanation. Front. Psychol. 8:962.doi: 10.3389/fpsyg.2017.00962

[10] Sisti, H. M., Glass, A. L., & Shors, T. J. (2007). Neurogenesis and the spacing effect: learning over time enhances memory and the survival of new neurons. Learning & memory, 14(5), 368-375.

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À propos de l'auteur

Nawal Abboub

Nawal Abboub est docteure en sciences cognitives, diplômée de l’Université Paris Sorbonne Cité. Ses recherches sont centrées sur les capacités d’apprentissage de notre cerveau. Elles visent à comprendre notamment les fondements cognitifs de nos capacités d’apprentissage : comment apprenons-nous à parler, à compter, à lire ou encore à raisonner ? En parallèle de ses recherches, Nawal oeuvre depuis plusieurs années à rendre intelligibles des connaissances complexes sur le fonctionnement de notre cerveau. Sa volonté de contribuer à la diffusion de la culture scientifique dans le domaine des sciences cognitives est pour elle un véritable enjeu, que ce soit dans les politiques publiques ou encore dans l’entreprise.

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