La docimologie au service de l'apprentissage

La docimologie ou l'art d'évaluer les compétences

La docimologie pour proposer une évaluation efficace d'un apprentissage

Passer un test n’est jamais une partie de plaisir et peut même être synonyme d’un stress insurmontable. L'évaluation souffre d'une image négative, vue comme un "contrôle", l'occasion de voir ses compétences disséquées et comparées à une norme. Nombreux parmi nous peuvent d'ailleurs avoir gardé quelques mauvais souvenirs de leurs années d'école. Pourtant, au delà de son aspect effrayant, l’évaluation est en fait l'ingrédient indispensable d'une formation réussie. Parce qu'elle mesure le niveau de compétence de l'apprenant, elle permet de faire le bilan sur les acquis et les lacunes et adapter le contenu en fonction. Une bonne évaluation profite donc à la fois à l'évaluateur et à l'apprenant. Cependant, toutes les évaluations ne se valent pas, et il importe de savoir s'y prendre pour proposer une évaluation efficace. 

Heureusement, l’art de l'évaluation, ou docimologie, est une discipline à part entière développée depuis les années 1920. La docimologie est littéralement la "science de l'épreuve" et fut créé par deux psychologues de renom : Henri Piéron et Henri Laugier [1,2]. Grâce à elle, vous saurez pourquoi et comment proposer une mesure pertinente des compétences de l'apprenant.

Quand la performance reflète la compétence

Évaluer, c’est avant tout situer une performance par rapport à un objectif d’apprentissage. Il n’y a qu’à travers nos performances que nous pouvons évaluer nos compétences. Mais cette performance est ponctuelle et ne correspond qu'à ce que l’apprenant produit à un temps donné, à un niveau d'engagement donné (voir aussi notre article sur engagement et apprentissage). Ainsi, même si on espère voir la compétence réelle en mesurant la performance, ces deux choses restent distinctes [1,2].

La compétence répond à tout ce qui englobe le savoir théorique et le savoir-faire, alors que la performance est la mise en pratique de ces compétences. Au théâtre, une représentation serait ainsi l’équivalent de la performance des acteurs, au travers de laquelle nous voyons toute leur compétence, c’est à dire la technique acquise en amont après des heures et des heures de travail.

Tout l’enjeu de l’évaluation est de faire en sorte que la performance soit le meilleur reflet de la compétence.

Les pièges à éviter pour l’évaluateur

La docimologie s’attache à relever les problèmes dans les méthodes d’évaluation. Elle met en évidence les biais à l’œuvre durant la construction d’un test jusqu’à sa correction.

En théorie, l’évaluateur souhaite que son évaluation reflète les connaissances et l’expertise acquises par l’apprenant, qu’il y ait une relation linéaire entre la compétence et la performance de celui-ci. Autrement dit, il souhaite que plus l’apprenant est compétent, plus la note qu’il obtiendra au test soit élevée. Malheureusement en pratique, cette correspondance échoue souvent.

Certains facteurs nuisent à la justesse de l’évaluation ; ils peuvent être en rapport avec la tâche elle-même, l’évaluateur ou encore l’apprenant [1].

Par exemple, lors de l’examen, l’état de stress, de fatigue et de concentration de l’apprenant peut influencer sa performance, qui ne reflétera plus seulement son niveau de compétence. Lors de la correction cette fois, la place de la copie dans la pile, l’effet du contexte lorsqu’un correcteur ajuste son barème en fonction du niveau des élèves, ou même l’état de fatigue (ou de faim) du correcteur, peuvent influencer sur la note.

Enfin, la tâche elle même influe beaucoup sur la justesse de la mesure de la compétence. Une mauvaise formulation de la consigne va affecter la compréhension de la tâche à réaliser et diminuer la performance artificiellement. Mais de manière plus subtile, le contexte de la question posée peut influencer sur la démonstration de la compétence : ancrer une question de logique dans une situation quotidienne peut permettre d’améliorer les performances par rapport à une situation abstraite [3]*.

Vers des évaluations au service de l’apprentissage

Désormais, la docimologie s’attache de plus en plus à l’étude du rôle de l’évaluation dans l’apprentissage lui-même [4]. En effet, le test doit accompagner la mise en pratique des savoirs car en plus de motiver l’apprenant en donnant un sens aux compétences qu’il acquiert, cette approche contribue à réduire le risque de bachotage et de rétention à court terme.

Le test permet également de prendre conscience de ce que l’on sait et de ce qu’on ne sait pas. Qui ne s’est jamais trouvé dans la situation de penser maîtriser une notion mais de rencontrer des difficultés lors de la restitution ? Pour éviter cette illusion de maîtrise le retour d'information par la correction est essentiel : rien de mieux que des tests répétés permettant de réorienter ou renforcer son apprentissage.

Ainsi, réussir une évaluation n’est pas toujours évident pour un apprenant, mais c’est un vrai casse-tête pour l’évaluateur qui la conçoit ! La docimologie nous donne des clés pour savoir comment construire les tests adéquats pour bien refléter le niveau de compétence d’un apprenant, afin de le situer par rapport aux autres ou à un seuil de réussite, mais aussi (et surtout !) pour participer à sa progression. Être conscient que l’évaluation est un réel outil pour apprendre permettra peut-être à certains de dé-diaboliser les examens et de les mettre à profit pour de nouveaux apprentissages.

Par ailleurs, en extrapolant légèrement, on peut donc dire que les formats pédagogiques qui permettent à l'apprenant à se tester, et sans être forcément une évaluation au sens classique du terme, sont particulièrement efficaces pour apprendre.

Bonne nouvelle, les plateformes e-learning les plus modernes donnent les moyens aux concepteurs d'y procéder facilement. Vaisseau amiral de la nouvelle génération de LMS, la plateforme Didask intégre une intelligence artificielle pédagogique qui permet, entre autres, de créer des cas pratiques avec une logique d'essai-erreur-feedback. De quoi simplifier grandement l'application des conseils vus ci-dessus, même pour des profils sans pré-requis pédagogiques. Pour aller plus loin, vous pouvez également consulter notre article Learning Management System : Optimisations pour les entreprises.

RÉFÉRENCES

[1] Leclercq, D., Nicaise, J., & Demeuse, M. (2004). Docimologie critique: des difficultés de noter des copies et d'attribuer des notes aux élèves.
[2] C. P. Pieron Henri — Examens et docimologie. In: Population, 19e année, n°5, 1964. p. 983
[3] Wason P.C. (1966), Reasoning, B.M. Foss (Ed.), New horizons in psychology, Vol. 1, Penguin, Harmondsworth
[4] Gaillot, B. A. (2002) La docimologie, et après ? Notes sur l’évaluation des acquis en arts plastiques.

 * pour aller plus loin [3]
Wason présente à des adultes 4 cartes sur lesquelles sont écrit A, B, 1 et 2 respectivement. Quelle(s) carte(s) doit-on retourner pour vérifier la phrase suivante : “Si une carte est marquée A sur une face, alors elle est marquée 2 sur l’autre” ? La majorité des réponses seront fausses car il suffit de retourner la carte A. En revanche, le résultat du test sera tout autre si on présente le problème de la manière suivante. 4 personnes sont dans un bar, la 1ère a une boisson alcoolisée, la 2ème a moins de 18ans, la 3ème a plus de 18 ans, et la 4ème a une boisson sans alcool. A qui doit-on demander la carte d’identité pour vérifier que la règle “les personnes buvant de l’alcool ont plus de 18 ans” est vraie ? La majorité des réponses seront alors justes (il suffit de demander à la personne qui boit de l’alcool). Ici on voit bien comment replacer une question abstraite dans un contexte du quotidien permet de mesurer les vraies performances de logique, indépendamment de l’énoncé littéral du problème.

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À propos de l'auteur

Laure Duchamp

Laure Duchamp est UX researcher aujourd'hui après avoir étudié la philosophie des sciences à Paris7/ENS. Depuis son précédent master en Sciences Cognitives à l'ENS de Lyon, ses trois centres d'intérêts sont les neurosciences, l'art et la philosophie. Dans ses recherches, elle s'intéresse aux applications des études sur les processus créatifs, aussi bien en pédagogie qu’en clinique. La communication scientifique est également au cœur de ses activités. Elle souhaite ainsi contribuer tant à la réduction des neuromythes qu'à la diffusion de la pensée critique.

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