Face à l’apprentissage, nos réflexes spontanés sont rarement les bons. Pourtant, les sciences cognitives nous enseignent que notre cerveau a des besoins élémentaires pour développer une nouvelle compétence, et que certaines conditions doivent impérativement être réunies pour devenir capable de traiter correctement une tâche, d’une part, puis d’en faire un automatisme, d’autre part. Des résultats de la recherche les plus solides et consensuels en la matière, nous avons extraits 8 principes fondamentaux, 8 piliers de l’apprentissage durable. Que vous soyez formateur, enseignant, ou tout simplement curieux, nous vous dévoilons tout ce dont votre cerveau a besoin pour un apprentissage réussi, et comment appliquer ces principes dans votre métier comme dans la vie de tous les jours. Premier pilier, l’apprentissage par essai-erreur.
Vous devez expliquer à votre nouveau collègue comment fonctionne le système informatique de votre boîte. Pédagogue de nature, vous faites tout ce qu'il faut pour faciliter sa compréhension : vous lui dessinez de superbes schémas, vous introduisez patiemment les notions les unes après les autres, et vous vous assurez que son attention reste focalisée à chaque instant sur les concepts clés. Votre collègue vous remercie chaudement pour votre présentation magistrale : grâce à vous, il a tout saisi en à peine cinq minutes. Pris de doute, vous lui demandez de vous résumer en quelques mots ce qu'il a retenu... et découvrez soudain un énorme contresens sur la toute première notion que vous aviez introduite. Ce phénomène bien connu des cognitivistes est l'illusion de maîtrise.
Pour vaincre l'illusion de maîtrise, le cerveau a un besoin fondamental : se confronter à un retour d'expérience. C'est ce qu'on appelle l'apprentissage par essai-erreur. Ce pilier de l'apprentissage est à la fois l'un des plus reconnus dans la recherche et l'un des plus méconnus du grand public. En effet, malgré le consensus sur l'efficacité de l'apprentissage par essai-erreur, cette méthode est souvent négligée aussi bien par les formateurs que par les apprenants.
Apprendre par essai et erreur consiste à manipuler dans votre tête l’information que vous venez de recevoir, à mettre votre cerveau en situation de test, puis à vous corriger. Par exemple, pour mieux comprendre la différence entre un actif et un passif comptable, plutôt que de relire une énième fois la définition de ces termes, prenez des exemples concrets de transactions, demandez-vous dans quelle catégorie les faire rentrer, puis vérifiez si vous vous êtes trompé et pourquoi.
Questionnaire, résolution de cas pratiques… les opportunités pour apprendre par essai et erreur ne manquent pas. C'est notamment ce que permettent de faire les exercices de mise en situation que vous pouvez concevoir avec Didask.
D'où vient l'efficacité de cette méthode ? Lorsque l’apprenant n’a pas l’occasion de mobiliser les notions qu’il vient de voir, il peut difficilement savoir où il en est. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’il croie connaître une notion qu’il sera en réalité incapable de mobiliser lorsqu'il en aura besoin : souvent, les concepts superficiellement simples à comprendre (comme la règle de trois) nous posent plus de problèmes que prévu au moment de les mettre en pratique (par exemple, les apprentis infirmiers peuvent avoir du mal à appliquer correctement la règle de trois lorsqu'ils doivent calculer des doses à administrer).
A l’inverse, lorsqu’il doit mettre son cerveau en action, l'apprenant peut voir ce qu’il sait… et ce qu’il ne sait pas. Il sort donc de l’illusion de maîtrise, état dans lequel nous ignorons notre ignorance, et peut ensuite ajuster sa stratégie d’apprentissage en fonction de ses besoins. Lorsque l’on apprend par essai et erreur, il est crucial d’avoir un retour fin sur ce que l’on fait pour pouvoir progresser efficacement (2). Sans ce feedback précis, nous risquons de commettre la même erreur la prochaine fois.
Une étude a comparé deux groupes de 35 lycéens iraniens qui suivaient le programme classique de leur école. Pendant un semestre entier, la moitié a dû se mettre en action grâce à de brefs questionnaires administrés chaque semaine, tandis que l’autre moitié n’a pas eu de test à réaliser.
Lors d’un examen proposé aux deux groupes en fin de semestre, les membres du groupe avec les tests hebdomadaires ont obtenu de meilleurs résultats en moyenne que les membres de l’autre groupe. Ce résultat significatif, loin d’être une exception, a été répliqué dans de nombreux contextes différents au cours des dernières décennies.
Pour reprendre la métaphore de la mémoire comme une forêt, où chaque chemin correspondrait à une notion bien apprise, ancrer une notion sans se mettre en action revient en quelque sorte à mémoriser un chemin en se contentant de suivre une carte de la forêt.
Pour éprouver activement vos connaissances, mieux vaut parcourir la forêt et essayer de retrouver le chemin par vous-mêmes après un bref coup d’œil sur la carte. Vous saurez alors si vous connaissez effectivement votre chemin, ou si vous avez encore besoin de consulter la carte. C’est en provoquant des occasions de vous perdre dans votre mémoire que vous ne vous laisserez plus piéger par la suite.
Bien sûr, l’apprentissage par essai et erreur demande aux apprenants d’oser se confronter à leur ignorance. Comme ils ont spontanément tendance à éviter ces situations, il faut les rassurer et dédramatiser l’erreur : celle-ci n’est pas un jugement de valeur, mais l’occasion de s’améliorer encore et encore.
C'est tout un rapport à soi et à ses capacités, profondément ancré depuis le plus jeune âge, qu'il faut parfois transformer : l'idée de test a tendance à évoquer des moments stressants comme l'interrogation écrite, l'entretien d'embauche... N'hésitez donc pas à saupoudrer votre formation de bienveillance pour mettre vos apprenants en confiance et déverrouiller leurs capacités d’apprentissage. Félicitez-les pour leurs efforts, et encouragez-les à se tester aussi souvent que possible. Test après test, feedback après feedback, ils finiront par voir l'erreur comme une banalité, voire même (et c'est là tout l'objectif) comme la condition indispensable d'un apprentissage réussi.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à poursuivre votre lecture avec deux articles utiles pour se lancer dans le e-learning : Ingénierie pédagogique pour le e-learning : approches, techniques et prospectives, et Développer et mettre en œuvre une formation en ligne : le guide pour bien démarrer
[1] Gholami, V., Morady Moghaddam, M. (2013).The effect of weekly quizzes on students' final achievement score. Modern Education and Computer Science, (1), 36-41.
[2] Butler, D. L., & Winne, P. H. (1995). Feedback and self-regulated learning: A theoretical synthesis. Review of educational research, 65(3), 245-281.