Plateformes eLearning : et si on allait vers plus de sobriété pédagogique ?

Il est temps d'aller vers la sobriété pédagogique

La course poursuite attentionnelle

Dans notre environnement de travail, le nombre de sollicitations a explosé : notifications de mails, de messagerie d’entreprise, nombre de procédures à respecter, de documents à lire… Autant dire que notre attention, qui doit trier, sélectionner, hiérarchiser tout ça, est sérieusement mise à mal. Nous papillonons souvent d’une tâche à l’autre, avec à la fin de la journée, la sensation de ne pas vraiment avoir avancé.  

Pour se distinguer au milieu de cette masse de sollicitation, chaque solution rivalise d’ingéniosité pour se distinguer et capter durablement l’attention de l’utilisateur·rice. C’est à qui optimisera le mieux les contrastes de son interface, trouvera l’équilibre subtil entre bonne surprise et réassurance, guidage et autonomie. La formation digitale ne fait pas exception. Souvent suivie sur le poste de travail, elle est aussi en lice dans cette course poursuite attentionnelle.

Intelligence artificielle, serious game, vidéos, social learning, chatbot, assistant personnel d’apprentissage réalité virtuelle et augmentée : nous convoquons tout ce que la technologie et l’UX design peuvent nous proposer pour maintenir l’apprenant·e en face de l’écran… et le dissuader d’alterner entre les différents onglets de son navigateur.

Ces innovations font généralement grimper les taux de complétion des formations et heureusement : elles ont été faites pour ça. Sauf qu’être engagé·e ne signifie pas apprendre, et c’est généralement là où le bât blesse. Parfois, on remarque même que les progrès réalisés par ceux qui sont allés au bout de la formation sont inférieurs à ceux qui ont suivi des formations plus classiques. C’est le fameux syndrome “on s’est bien amusés mais je n’ai rien retenu !”.

Un cas “d’école”

Faisons un tour en Suisse, dans le centre d’innovation pédagogique de l’EPFL où travaille le chercheur Pierre Dillembourg et son équipe. Pionniers, ils ont testé au début des années 2010 un dispositif de réalité augmentée pour enseigner la logistique d’entrepôt à des étudiants. Les apprenants manipulaient des blocs, censés représenter les différentes installations de l'entrepôt et les organisaient sur une carte. Un capteur intelligent analysait en temps réel l’agencement des blocs et un projecteur connecté affichait des petits véhicules qui se déplaçaient dans l’entrepôt. Des animations indiquaient aux étudiants les zones de l'entrepôt si mal agencées que les véhicules ne pouvaient pas y accéder.

Manipulation, nouvelle technologique, analyse intelligente en temps réel, feedback immédiat… On est sur du très haut niveau d’innovation pédagogique, à seulement quelques années d’écart du premier MOOC d’intelligence artificielle de Standford University !

En bons chercheurs, Pierre Dillembourg et son équipe ont cherché à évaluer les progrès induits par ce dispositif pédagogique. Ils ont mesuré les performances des apprenants avant et après plusieurs séances avec le dispositif de réalité augmentée et l’ont comparé à ceux des apprenants qui ont suivi un programme plus classique, avec exercices à résoudre au tableau.

Surprise : les apprenants du groupe “réalité augmentée”, bien que plus engagés, ont moins bien appris que ceux du groupe “tableau noir”.

Pourquoi ? Séduits par le nouveau dispositif, les apprenants se sont beaucoup amusés avec lui, et ont cherché des utilisations limites : “si je mets ma trousse sous le capteur, que se passe-t-il ? Et si on met tous les blocs sur la table, où vont apparaître les petits véhicules ?”. Ils ont sûrement appris sur le fonctionnement du capteur, mais beaucoup moins sur le fonctionnement de l'entrepôt !

Heureusement pour nos amis suisses, l’histoire ne s’arrête pas là : quelques ajustements dans l’expérience pédagogique (finis les feedback en temps réel, ils sont déclenchés par l’enseignant·e) ont permis à cette innovation de révéler son plein potentiel… et aux apprenants de mieux apprendre par rapport au dispositif “tableau noir”.

Comment Didask forme avec sobriété

En route vers plus de sobriété pédagogique.

Quelles leçons tirer de cette histoire ? Déjà l’innovation bien conduite, adaptée à la fois aux besoins des apprenants et aux objectifs du formateur, permet réellement d’améliorer l’apprentissage. Après avoir enfoncé cette porte déjà grande ouverte, penchons nous sur ce qu’est une “innovation pédagogique bien conduite”.

Les innovations pédagogiques ont justement pour but d’accaparer l’attention des apprenants et de le maintenir engagé. Les ressources attentionnelles des apprenants sont disponibles en quantité limitée : chaque mécanisme ludique, chaque petite animation que vous ajoutez à votre dispositif prend une place qui ne sera pas disponible pour traiter les informations essentielles de votre formation. Leur utilisation a donc potentiellement un coût en ressources qui se fait au détriment de l’apprentissage.

Il faut donc faire preuve de sobriété pédagogique : choisir le juste niveau d’innovation par rapport à vos objectifs pédagogiques. L’idée n’est pas de revenir à d’imbuvables MOOC textuels, mais de se poser les bonnes questions : ce dispositif de réalité virtuelle hors de prix est-il vraiment indispensable pour que vos apprenants visitent tel site de production à l’autre bout du monde ? Un serious game complet est-il nécessaire pour apprendre telle compétence basique de la relation client ?

Parfois la réponse est oui : la réalité virtuelle est un outil formidable pour apprendre des compétences motrices à exécuter “à chaud”. Si vous formez des opérateur·rice·s en milieu hostile, des chirurgien·ne·s, des pilotes d’avion, c’est exactement de ça dont vous avez besoin ! Vous devez juste faire attention à ce que le surplus d’information rajoutée par l’innovation serve vraiment vos objectifs et ne soient pas un gadget.

Mais souvent, la réponse est non, et il faut donc revenir à des solutions plus classiques tout en les “boostant” avec un supplément neurosciences : Et si un apprenant se filmait pour montrer à un pair comment il exécute tel geste technique ? Cela crée une proximité sociale et si vous suggérez à l’apprenant de s’imaginer exécuter les gestes en même temps que son collègue cela active ses neurones miroirs et booste son apprentissage moteur.

D’ailleurs petite devinette : il y a une activité pédagogique, qui a été étudiée de très nombreuses fois par la recherche. Elle permet une excellente mémorisation à long terme, une compréhension fine et une meilleure application sur le terrain. Pourtant, elle très décriée pour son image scolaire et ennuyeuse. Vous l’avez ? Ce sont les quizz avec feedback automatique ! Pourvu qu’ils soient bien conçus, ils sont aussi très engageants et très appréciés de nos apprenants... et surtout rapides à concevoir ! En accord avec la recherche, ils sont donc l’un de nos formats pédagogiques phares.

Ainsi, la sobriété pédagogique, c’est :


👉 Identifier clairement votre besoin : faire prendre conscience aux apprenants qu’ils ont besoin de se former ? Ancrer des automatismes qu’ils devront appliquer en situation d’urgence ?


👉 Choisir une réponse avec un juste niveau de complexité : ai-je besoin d’un serious game complet ? Ou est-ce que quelques questions au début d’un module de micro learning suffisent ?


👉 Éviter les usines à gaz coûteuses à mettre en place, à déployer, à mettre à jour.  

Du côté de Didask, l’efficacité pédagogique a toujours été dans notre ADN. Cette démarche de sobriété pédagogique s’est donc naturellement inscrite comme un pré requis dans le développement de notre solution e-learning. Que ce soit via notre LMS ou notre extension d’adaptive learning, le facilitateur pédagogique embarqué vous donne les moyens de suivre mes conseils ci-dessus et de former avec sobriété !

Découvrir le Essentila LMS de Didask

Sources

Schneider, B., Jermann, P., Zufferey, G., & Dillenbourg, P. (2010). Benefits of a tangible interface for collaborative learning and interaction. IEEE Transactions on Learning Technologies, 4(3), 222-232.

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À propos de l'auteur

Svetlana Meyer

Svetlana Meyer est la reponsable scientifique de Didask. Docteure en sciences cognitives, son rôle est d’intégrer les derniers résultats de la recherche sur l’apprentissage à notre produit pour améliorer l’efficacité des contenus créés sur Didask.

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