E-learning : en finir avec le mythe de la modalité miracle pour accélérer le développement des compétences

E-learning : Dépasser le mythe de la modalité miracle

Article publié initialement dans le MagRH n°25 de janvier 2024

Dans le monde dynamique du e-learning, un vieux rêve habilement entretenu persiste : la quête d’une modalité pédagogique toute-puissante, qui à elle seule répondrait à l’ensemble des enjeux de formation des organisations. Mythe préjudiciable ou une stratégie vraiment efficace ? Benjamin Poucin de Didask explore ici cette question de manière approfondie, mettant en lumière la nécessité d'embrasser la diversité pédagogique pour faire face à l’infinité des contextes. Une nécessité d’autant plus vraie à l’heure où les entreprises concentrent leurs objectifs de formation sur le développement des compétences.

L'illusion de la modalité qui sait tout faire

Avant d’aller plus loin, commençons déjà par se mettre d’accord ce que l’on entend ici par modalité pédagogique. Le plus judicieux serait de parler de formes ou d’ensemble de formes que peuvent prendre les interactions ou moyens pédagogiques déployés auprès des apprenant·e·s. La liste, déjà longue, s’agrandit chaque année, mais on peut par exemple penser aux différents types d'exercices spécifiques : la vidéo, le podcast, la gamification, le social learning, la réalité virtuelle, ou même plus récemment des chatbots conversationnels dopés à l’IA. Régulièrement, on voit arriver sur le marché des nouvelles approches présentées comme la solution ultime pour former, conduisant à des injonctions du type “Aujourd’hui, l’avenir du e-learning, c’est le untel-learning”.

Soyons clairs, l’objectif ici n’est pas de dézinguer telle ou telle modalité. Chacune d’elle peut se révéler efficace, voire très efficace. Mais ce potentiel d’efficacité est toujours dépendant d’un contexte et d’enjeux spécifiques. La recherche en sciences cognitives est d’ailleurs formelle à ce sujet : même les modalités les plus efficaces, en moyenne, peuvent ne plus fonctionner dans une situation donnée.

Or, si l’on observe les tendances actuelles du marché, c’est bien la modalité miracle qui a le vent en poupe dans les entreprises. Et d’une certaine façon, cela est assez logique. Il y a tout d’abord des effets de mode. Même en étant des professionnels rationnels, nous sommes tous sous l’influence des messages et promesses des dernières nouveautés qui inondent nos veilles et actualités, parfois de manière virulente. De plus, et surtout, face à des contraintes de temps et de ressources, opter pour des modèles simplifiés et uniformes peut sembler la solution la plus efficiente, là où un travail d’identification des meilleures modalités par enjeu semble lui chronophage, compliqué, exigeant en compétences pédagogiques, voire onéreux (”Mince, il faut que je m’équipe de plusieurs plateformes ???”). L’arrivée de solutions comme les IA Pédagogiques semble toutefois s’attaquer sérieusement au problème, tout du moins, on l’espère, c’est à suivre de près, nous y reviendrons.

Pas de montée en compétences sans approche personnalisée

Quand on parle de personnalisation, on pense naturellement à l’adaptive learning, qui vient adapter les parcours pour chacun·e en fonction de tout un tas de critères (pré-requis, difficultés rencontrées, etc). C’est une très belle avancée, c’est incontestable, et les apprenant·e·s semblent apprécier la chose. Mais comme aime le dire une chercheuse en sciences cognitives de mon entourage professionnel, parfois, avant de se pencher sur ce qui nous différencie, il est judicieux de s’intéresser aussi à ce que nous avons en commun. Et justement, il existe un travail de personnalisation essentiel à réaliser en amont, plus subtil, et qui ne dépend pas des singularités de chaque apprenant·e : cette fameuse harmonisation des enjeux spécifiques de formation avec les modalités les plus adaptées. Aussi performant que soit l’algorithme d’adaptive learning ensuite utilisé, si les formats à adapter sont passifs, surchargés et mal calibrés, vous aurez beau les ajuster à chaque apprenant·e, ils n’apprendront pas beaucoup mieux. C’est là qu’on n’en revient à nos moutons. Si ces enjeux sont multiples, on peut néanmoins identifier des grandes familles : motiver à se former, déconstruire des idées reçues, mémoriser, appliquer en situation, etc.

Prenons l'exemple d’un commercial, pour qui la simple écoute de podcasts, de tutoriels vidéo ou d'exercices mal calibrés ne suffira pas à perfectionner ses compétences en conclusion de ventes. Les mises en situation, en revanche, se révèlent cruciales. En sens inverse, un débutant confronté à des scénarios complexes peut être submergé, nécessitant initialement des modalités d'information plus simples. La clé réside donc dans la compréhension fine du contexte pour faire correspondre de manière judicieuse les enjeux de formation aux modalités les plus adaptées.

Qu’est-ce qui fait qu’une modalité plutôt qu’une autre est efficace pour générer de la montée en compétence ? En grande partie, sa capacité à créer du transfert d’apprentissage, en prenant en compte l’enjeu identifié, c'est-à-dire à donner les moyens à votre apprenant•e d’utiliser ce qu’il a appris dans des contextes qui différent de ceux vus en formation (car il est évidemment impossible de tous les étudier). Sans transfert, les effets de la formation s’arrêtent à l’issue de la formation. Au mieux, on peut traîner un peu d’illusion de maitrise, mais dans la durée, rien ne s’installera, les comportements sur le terrain ne bougeront pas. En bref, pas d’impact, pas de ROI.

Pour mesurer ces derniers, attention d’ailleurs aux faux-amis. On est souvent déçu du e-learning à cause de ce manque d’impact sur le terrain, et pourtant bon nombre d’organisations font régulièrement la même erreur, à savoir se fier à des KPI de complétion et d’engagement. Ces données sont importantes, elles font parfois plaisir ou rassurent, mais elles ne mesurent pas la montée en compétence, plus complexe à évaluer. Elles sont a priori incapables de vous faire remonter si vos modalités pédagogiques en place sont pertinentes ou non pour assurer un transfert d’apprentissage. Dommage surtout si vous vous êtes lancés en “modalité miracle”.

Mieux vaut se fier à des évaluations de compétences, mais qui ne doivent pas être de simples vérifications de connaissances. Avec l’IA, on peut par exemple maintenant proposer aux apprenants de réaliser des tâches complexes proches de celles qu’ils effectueront en situation professionnelle et les corriger automatiquement avec finesse. De quoi s’approcher ici d’un ROI proche d’une évaluation de pratique sur le terrain.

L’importance des experts internes

Si tant est que je vous ai désormais convaincu d’adapter le choix de vos modalités, vous seriez en droit de m’interpeller : “Ok, c’est bien joli, mais comment concrètement, je m’y prends ? Je dois payer des agences ou recruter des ingénieurs pédagogiques dans mes équipes. Voire former toutes mes équipes à l’ingénierie pédagogique ?”

Fort heureusement… non, auquel cas les gains d’efficience seraient bien faibles ! Une des clés de votre succès, ce sont vos experts internes. Ceux-là mêmes qui connaissent leur terrain mieux que personne, maîtrisent leurs thématiques, et sont en mesure d’apporter un fond beaucoup plus juste que n’importe quelle agence ou module sur étagère. C’est sur eux qu’il faut capitaliser, et si l’idée n’est pas nouvelle, elle était jusqu’à peu délicate à rendre efficace dans la réalité. Vous l’avez compris, on retombe sur les freins expliqués précédemment : manque de temps et d’expertise pédagogique, d’où le recours en masse à la modalité miracle avec tous les cas de figure logés à la même enseigne.

C’est là que nous devons être encore plus exigeants avec les acteurs du e-learning. Ces derniers doivent intégrer ces contraintes (certains le font déjà) sans renoncer à cette priorité de ne plus enfermer les utilisateurs dans une modalité miracle ou les laisser dans le flou pour y faire leur tri (là, c’est plus rare). Vos experts n’ont pas vocation à devenir des ingénieurs pédagogiques, on doit au contraire leur “mâcher” ce travail pédagogique, avec des outils fiables, en mesure d’absorber toute sa complexité sans jamais prendre de raccourcis simplistes. Pour y parvenir, on ne pourra se passer de l’IA. En revanche, celle-ce ne doit plus se contenter d’être génératrice de contenus, mais doit devenir véritablement IA “Pédagogique”, et être capable d’identifier des enjeux, recommander les modalités judicieuses, créer rapidement les modules et personnaliser l’expérience apprenante. C’est le cap que nous avons clairement pris chez Didask.

Les entreprises doivent en être conscientes, et de leur côté les solutions e-learning doivent orienter leurs développements en ce sens. Sans quoi, comme toujours, c’est le ROI et la montée en compétences qui continueront de trinquer. Et des hauts taux d’engagements ne nous consoleront pas.

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À propos de l'auteur

Benjamin Poucin

Benjamin Poucin est en charge du marketing et de la communication de Didask. Expert Edtech avec plus de 12 ans passés dans le secteur de la formation / enseignement, il écrit régulièrement pour le blog Didask et anime des webinaires sur les problématiques de formation en ligne des organisations.

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