Dans notre imaginaire collectif, la créativité est souvent vue comme un talent inné, attribué à la naissance à quelques rares individus. On pourrait croire alors qu’avoir de bonnes idées au quotidien est plus une question de chance que de travail. Finalement, c’est une conception très déterministe de la créativité : si je ne suis pas créatif, je ne peux rien y faire.
Mais qu’en disent ceux que nous reconnaissons comme de grands créateurs ? Ont-ils l’impression que leurs idées proviennent d’un don spontané de la nature, ou bien sont le fruit d’un travail délibéré ?
Nombreux sont ceux qui défendent la deuxième position.
La créativité n’est pas un talent. C’est une façon d’aborder les choses.
John Cleese (Monty Python) dans un discours sur la créativité
Le talent, ça n’existe pas. Le talent c’est l’envie de faire quelque chose.
Jacques Brel dans une célèbre interview
La créativité, c’est 99% de transpiration et 1% d’inspiration.
Thomas Edison
Et si la créativité n’était pas un talent inné mais une façon d’aborder les choses ? Et si on pouvait comprendre et développer les processus mentaux qui nous mènent à de meilleures idées au quotidien, à un élargissement du champ des possibles ?
À l’école, on nous apprend à passer d’un problème (d’un énoncé) à une solution unique : la bonne réponse. On attend de nous d’identifier une catégorie de problème parmi celles apprises en cours puis à restituer la réponse énoncée par le professeur. Cette façon d’aborder les problèmes est appelée pensée convergente.
Faire preuve de créativité, c’est ne pas se contenter de restituer les réponses apprises. C’est être capable de concevoir ses propres réponses, parfois inattendues, aux problèmes rencontrés. Pour y arriver, la pensée convergente est insuffisante. Un autre mode sera alors nécessaire : la pensée divergente.[1]
Faire preuve de pensée divergente consiste à envisager de nombreuses réponses possibles avant de converger vers une réponse choisie. Dans les réponses imaginées, certaines pourront paraître peu pertinentes à première vue. Pourtant, ce sont peut-être elles qui ouvriront le chemin vers les solutions les plus efficaces.
C’est le pouvoir du « Et si… » : envisager une idée inhabituelle, bizarre, mais qui cache derrière elle une idée inattendue et efficace ![2]
John Cleese, auteur des Monty Python, en parle avec ses propres mots : un « mode ouvert » et un « mode fermé ». Quand nous sommes en « mode ouvert », il suggère d’accepter de chercher des idées pour le plaisir, pour s’amuser, sans se focaliser sur l’objectif de résolution. C’est par ce moment de jeu que des chemins inattendus peuvent apparaître.
Quand viennent vos idées ? En travaillant, probablement, mais encore ? Sous la douche, peut-être, en faisant la vaisselle, ou encore en marchant.
Pour trouver des idées, on a besoin d’alterner entre des moments où l’on se focalise avec attention sur le sujet en question – moments focalisés - et des moments où au contraire, on s’en détache - moments non-focalisés. Dans les moments focalisés, on va traiter avec rigueur le problème, mémoriser des nouvelles connaissances, identifier des pistes. Mais, après une session de travail intense, il est également très efficace de laisser sa pensée reposer pour « digérer » les informations et créer inconsciemment de nouvelles connexions entre toutes ces connaissances. C’est ce que l’on appelle l’incubation des idées.
Pour favoriser cette incubation, une règle semble déterminante : protéger son attention. Une étude[3] suggère que les tâches qui nous occupent sans solliciter notre attention seraient celles qui déclenchent le mieux l’incubation créative. Par exemple : sous la douche, en se brossant les dents, en marchant…
Aujourd’hui, notre attention est mise à rude épreuve ! Nous sommes soumis à des sollicitations permanentes et nous développons nous-mêmes de mauvais réflexes, comme consulter son smartphone dès qu’on a un moment de pause. Préserver des moments d’ennui pourrait être une pratique essentielle pour notre créativité.
Vous cherchez une idée, une bonne idée, une grande idée… Mais pourquoi ?
Si on ne définit pas de problème à résoudre, d’objectif, il est très difficile d’orienter sa recherche d’idées. Et c’est encore plus le cas lorsque l’on est en groupe !
La formulation d’un problème, appelé problématisation, est une phase essentielle de la créativité.
Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais 55 minutes à définir le problème et 5 minutes à chercher la solution.
Albert Einstein
En plus de définir clairement le problème à résoudre, pourquoi ne pas tenter plusieurs formulations ? Chaque formulation orientera vers des idées différentes. Par exemple, vous voulez créer une bonne formation pour votre client. Mais avec la formulation « je veux que mon client soit satisfait de ma formation » vous ne trouverez pas les mêmes idées qu’avec la formulation « je veux que mon client ait appris des choses utiles ».
« Que penses-tu de mon idée ? ». Vous venez de raconter votre idée à un ami et vous espérez… qu’il l’adore !
Chercher des validations est naturel, c’est ce que l’on appelle le biais de confirmation. Il est plus agréable de se voir renforcer dans nos croyances que l’inverse. Mais est-ce que recevoir des validations va vous aider à faire preuve de créativité ?
Un retour critique peut s’avérer bien plus efficace, en vous forçant à améliorer votre idée, ou à la présenter de façon convaincante. Pourquoi ne pas alors mobiliser volontairement la critique en demandant à votre ami de jouer l’avocat du diable ? Son rôle sera de trouver des failles à votre idée, en toute bienveillance (c’est un jeu), puis vous aider à l’améliorer.
Attention toutefois à distinguer deux types d’avis négatifs : un avis non-constructif, du type « je n’aime pas » ou encore « c’est nul » est toxique, mais un avis critique tout en étant bienveillant et constructif est particulièrement désirable !
Soyez donc vigilant lorsque vous sollicitez une personne, et sachez discerner les avis utiles des inutiles.
Ces 4 mauvais réflexes sont des exemples parmi d’autres contre lesquels vous pouvez lutter au quotidien. Ce qu’il est important de retenir, c’est que comprendre les fonctionnements mentaux sur lesquels repose la créativité, les enjeux, les pièges à éviter, donne des repères très efficaces pour guider sa pensée dans les bonnes directions… hors de sentiers tous tracés.
C’est cette approche qui nous a guidé pour concevoir notre formation « Gagner en créativité ». Articulée autour de cas pratiques réalistes, elle permet ainsi à chacun de dépasser ses freins, changer son rapport à la créativité pour progresser sereinement.
[1] Psychologie de la Créativité - Todd Lubart, Armand Colin, 2015.
[2] Edward de Bono définit la créativité comme « l’efficacité inattendue » dans L’intelligence Créative Au-Delà du Brainstorming, Maxima, 2004.
[3] Baird, B., Smallwood, J., Mrazek, M. D., Kam, J. W., Franklin, M. S., & Schooler, J. W. (2012). Inspired by distraction: mind wandering facilitates creative incubation. Psychological science, 23(10), 1117-1122.