Compétences du 21ème siècle : mieux les travailler grâce aux sciences cognitives

Compétences du 21e siècle et sciences cognitives - Transformation digitale

Découvrez les méthodes les plus efficaces pour former vos collaborateurs aux compétences du 21eme siècle grâce aux sciences cognitives

Qui n’a pas (encore) entendu parler des compétences du 21ème siècle? A l'heure où toute connaissance est à portée de clic, l'injonction à développer les soft skills gagne toutes les sphères éducatives, depuis l'enseignement secondaire et supérieur jusqu'à la formation professionnelle. Mais si tout le monde s'accorde sur le besoin de les enseigner, reste à savoir comment s'y prendre. Sous leur apparente nouveauté, les compétences du 21ème siècle se rattachent en fait à un objet scientifique étudié depuis plusieurs décennies : notre propre cognition. Quiconque souhaite transmettre ces fameuses compétences trouvera dans ce domaine de recherche des éléments précieux.

Former aux compétences du 21ème siècle : oui, mais comment?

Esprit critique, leadership, communication, créativité, flexibilité, persévérance, adaptabilité, empathie, esprit d’initiative, et collaboration... Autant de savoirs- être incontournables à l'heure du numérique.  Parce qu'ils correspondent aux nouveaux besoins des organisations, ils sont aussi bien recherchés dans le champ professionnel que dans les maquettes pédagogiques des formations l'enseignement supérieur. Nombreuses sont alors les questions que se posent les formateurs à leur sujet : lesquelles faut-il favoriser ? Comment les entraîner efficacement? En guise de réponse, plusieurs rapports ont été publiés, comme celui du World Economic Forum,  pour donner des préconisations sur la manière de  transmettre les compétences du 21ème siècle. 

Cependant, force est de constater que les pistes d'actions suggérées par ces rapports sont trop imprécises pour pouvoir en l'état guider la conception de formation. Pour développer la créativité, le World Economic Forum affirme par exemple qu'il faut offrir à l'individu des "opportunités de créer des choses". Ce type de préconisation -qui peut donner lieu à une mulplicité d'interprétations- ne facilite pas vraiment la tâche de l'enseignant ou du formateur, en demande de recommandations concrètes et applicables dans son environnement. 

Heureusement, pour transmettre efficacement les compétences du 21ème siècle, le formateur dispose d'un autre allié  : les décennies de recherche menées en sciences cognitives. Car en effet,  chacune des compétences du 21ème siècle  correspond à une ou plusieurs fonctions cognitives en action.  Et concernant ces fonctions cognitives, la recherche nous donne des éléments sur la manière de mieux les mobiliser et et de mieux les entraîner.

Derrière chaque compétence, des fonctions cognitives bien identifiées

Ces grandes fonctions cognitives ont été identifiées grâce à de nombreux travaux sur le comportement des individus et leur fonctionnement cérébral. En regardant plus précisément la définition des différentes compétences du 21ème siècle, nous sommes maintenant capables de les relier aux fonctions cognitives "élémentaires" dont elles découlent. 

Schéma : fonctions cognitives bien identifiées
  • L'adaptabilité procède de la flexibilité cognitive. La flexibilité cognitive est la capacité d’une personne à changer de tâche ou de stratégie mentale lorsque le besoin s’en fait sentir. Elle nécessite de prêter attention aux nouvelles informations qui arrivent, de les interpréter correctement par rapport à la situation en cours, et de se rendre compte que l’action en train d’être menée n’est plus pertinente et qu’il faut en planifier une nouvelle.
  • La persévérance est liée à la fonction d’inhibition, ce qui correspond à notre capacité à ne pas se laisser distraire par les informations non pertinentes par rapport à notre objectif. Elle permet aussi de ne pas ne pas s’engager dans des comportements qui ne serviraient pas cet objectif. Ce sont les mécanismes cognitifs principaux qui nous permettent de rester engagés dans la tâche en cours et donc de persévérer;
  • L'initiative doit être rattachée à la volition. La volition nous permet d’initier une action en fonction des contraintes extérieures mais aussi de notre état interne (croyance, conviction, etc). C’est elle qui garantit la qualité de notre prise d’initiative en nous aidant à savoir quand agir et comment.
  • L'empathie s’apparenterait  à la théorie de l’esprit, soit notre capacité à attribuer aux autres des pensées et des sentiments probable par rapport à la situation vécue. Comprendre le ressenti de l’autre et l’anticiper nous permettent de mieux coopérer les uns avec les autres. 
  • L'esprit critique dépend lui aussi de notre flexibilité cognitive, mais appliquée cette fois-ci à nos catégories mentales, et non à nos stratégies. Pour analyser un concept ou une situation, nous avons besoin de pouvoir les catégoriser de plusieurs manières, et de choisir la catégorie la plus pertinente en fonction du contexte et de nos connaissances. Cela concerne aussi, dans une certaine mesure, la capacité à modifier les catégories déjà établies pour accueillir de nouvelles informations. 
  • La créativité est aussi liée à nos fonctions de flexibilité cognitive et d'inhibition. En effet, pour trouver une solution créative à un problème donné, il faut être capable d'inhiber nos premières intuitions (qui sont toujours assez traditionnelles) pour aller vers d'autres pistes plus créatives. Se désengager de ces dernières serait le premier pas essentiel pour aller vers la créativité. 
  • Enfin, les capacités de leadership, collaboration et communication procèdent d'un mélange entre notre capacité d’inhibition (pour maintenir la communication et avoir un comportement approprié vis à vis de l’autre), notre flexibilité (pour passer d’une attitude à une autre en fonction du besoin), et la théorie de l’esprit (pour comprendre ce que vit et ce qu’attend notre interlocuteur). Nous pourrions aussi y rattacher notre capacité de régulation émotionnelle, qui aide à ne pas se laisser déborder par les émotions du moment (lors d’un conflit par exemple), et tout simplement nos compétences verbales qui nous aident à formuler clairement nos idées.
Découvrir la solution Didask

Mieux les connaître pour mieux les développer : l'exemple de la créativité

Une fois ces compétences clairement identifiées, il est possible ensuite d'en tirer un ensemble de recommandations précises pour les développer. La recherche ouvre deux pistes d'action : soit donner aux individus des indications sur la manière de mieux mobiliser les compétences qu'ils ont déjà, soit identifier des méthodes pour développer cette compétence.

Reprenons l'exemple de la créativité. Ce qui compte en réalité, ce n'est pas le fait de donner la liberté de créer, mais c'est le cadre dans lequel cette liberté doit être exercée. On pense souvent que les individus développent leur créativité lorsqu'ils évoluent dans un cadre sans aucune contrainte. Pourtant, la recherche nous montre que la réalité est toute autre. Une trop grande liberté donne un trop grand nombre de possibilités et les individus convergent alors vers des solutions très classiques. A l'inverse, l'instauration d'un cadre permet de fixer une première direction et de pousser plus loin le processus créatif [1]. 

Si l'on veut développer directement la créativité des individus, de nombreux résultats suggèrent qu'un autre facteur sur lequel jouer est l'inhibition.  En effet, il a été montré que les personnes qui ont une meilleure capacité d'inhibition (capacité à ne pas se laisser distraire par les informations non pertinentes par rapport à leur objectif) sont aussi des individus plus créatifs [2].  Ainsi, une bonne piste pour entraîner efficacement la créativité serait de mettre en place des activités qui améliorent l'inhibition, comme par exemple les puzzles ou les labyrinthes pour les enfants [3].

Attention toutefois : un résultat scientifique montré en laboratoire ne produira pas nécessairement les mêmes résultats dans un environnement plus complexe. D'autre facteurs peuvent intervenir (motivation, injonction de la hiérarchie, etc.) et moduler l'impact de la méthode employée. Ces résultats ne donnent pas de règles toute faites qu'il suffirait d'appliquer en l'état. Elles indiquent plutôt une direction à suivre, plus fiable qu'une préconisation basée sur l'intuition. Il appartient au formateur de contrôler l'efficacité de ce qu'il propose en mesurant précisément l'impact pédagogique de sa formation. Il saura ainsi si elle est efficace en l'état ou s'il a besoin de l'ajuster.

Ces recommandations concernant la créativité existent aussi pour l'adaptabilité, l'esprit critique (voir ici un exemple) et d'autres compétences-clés.  A vous de vous emparer de la recherche propose pour transmettre durablement et efficacement les compétences du 21ème siècle !

Retrouvez ces recommandations sur notre blog ou en vous abonnant directement à notre série d'articles sur la transmission des compétences.

RÉFÉRENCES

[1] Lubart, T. I., & Lautrey, J. (1998). Family environment and creativity. In The XVth biennal meetings of the international society for the study of behavioral development.
[2] Cassotti, M., Agogue, M., Camarda, A., Houdé, O., & Borst, G. (2016). Inhibitory control as a core process of creative problem solving and idea generation from childhood to adulthood. In B. Barbot (Ed.), Perspectives on creativity development. New Directions for Child and Adolescent Development, 151, 61–72
[3] Spierer, L., Chavan, C., & Manuel, A. L. (2013). Training-induced behavioral and brain plasticity in inhibitory controlFrontiers in human neuroscience7, 427.

Partager sur les réseaux

À propos de l'auteur

Svetlana Meyer

Svetlana Meyer est la reponsable scientifique de Didask. Docteure en sciences cognitives, son rôle est d’intégrer les derniers résultats de la recherche sur l’apprentissage à notre produit pour améliorer l’efficacité des contenus créés sur Didask.

Dans la même thématique