Mieux former pour transformer la profession comptable

photo de Philippe Barré

La transition numérique a bouleversé les pratiques au sein des cabinets d'expertise comptable. Une opportunité pour recentrer les métiers de la collaboration comptable sur ses aspects les plus humains

Interview de Philippe Barré, fondateur de Pluriel Consultants

Dans une précédente interview, le président de l'Ordre des Experts-Comptables Laurent Benoudiz nous avait présenté les enjeux actuels de la profession comptable et les solutions mises en place par l'OEC pour y répondre. Nous avions en particulier abordé la formation E-COLL menée conjointement par le start-up Didask et le cabinet d'expertise comptable Pluriel Consultants. Philippe Barré, fondateur de Pluriel Consultants, revient sur cette collaboration.

Présentez-nous en quelques mots l’activité de Pluriel Consultants

Philippe Barré - Pluriel Consultants est un cabinet d’expertise comptable peu ordinaire car il réalise l’essentiel de son activité sur des missions de conseil, en dehors des missions traditionnelles de la profession comptable. Malgré la taille volontairement restreinte de l’équipe, notre spectre d’intervention est large et nos missions exclusivement sur-mesure. Aujourd'hui, Pluriel compte une vingtaine de consultants qui interviennent sur nos cinq métiers : l’accompagnement-conseil, l’ingénierie pédagogique, l’assistance auprès des comités d’entreprise et, bien entendu l’expertise comptable et le commissariat aux comptes. 

Quel est l'impact de la transition numérique sur votre métier, la profession comptable ?

P.B. - La profession comptable libérale compte aujourd'hui 150.000 intervenants et a connu de multiples évolutions réglementaires et technologiques au cours des dernières décennies. Elles ont impacté la manière d'exercer le métier de comptable mais n'ont pas remis en cause notre utilité : les clients, les missions, le modèle de revenus, les collaborateurs sont restés les mêmes. Aujourd'hui, la profession fait face à une rupture sans précédent. Certains éditeurs proposent désormais des solutions qui produisent l’essentiel des écritures comptables en temps réel et sans intervention humaine. Comment justifier le maintien de nos prix quand les ventes, les opérations bancaires et les achats sont intégrés en comptabilité de manière automatique, et que les rapprochements bancaires sont réalisés par une application qui ne coûte que quelques euros par mois ?

Philippe Barré : la trans-formation numérique dans la profession comptable
Philippe Barré : la trans-formation numérique dans la profession comptable

Cette automatisation va avoir deux impacts majeurs sur les cabinets : d’une part, le chiffre d’affaires moyen par client va diminuer pour les prestations traditionnelles et, d’autre part, les collaborateurs vont voir leur niveau d’activité baisser de manière significative (entre 25 et 40% selon les estimations et les profils). Le panier moyen par client a déjà baissé d’un tiers en euros constants sur les 10 dernières années. Dans le cadre d’une étude que nous avons réalisée, nous avons estimé que 30.000 à 40.000 emplois étaient menacés. Une grande partie de nos tâches traditionnelles vont donc disparaître et la transition numérique ne s’arrêtera évidemment pas là. Les cabinets seront victimes de « l’effet domino » qui imposera une refonte de l’offre, de la relation clients, des ressources humaines, de la communication et du marketing. La question que tout expert-comptable doit donc se poser de toute urgence est : comment faire pour occuper les collaborateurs et maintenir le chiffre d’affaires ? La réponse se trouve dans l'adaptation de nos processus, le développement de nouvelles missions, et l'évolution des compétences de l'équipe. Les chantiers sont nombreux et stratégiques.

Découvrir la solution Didask

En tant qu’organisme de formation, quels sont les critères qui guident vos choix pédagogiques ?

P.B. - J’ai toujours été passionné par la formation et l’apprentissage. Quand j’étais maître de conférences associé à l’université et au Cnam, j’ai créé un certain nombre de formations très innovantes pour l’époque. Au sein de Pluriel Consultants, nous avons notamment créé les Trans-formations destinées à accompagner les transformations des cabinets d’expertise comptable.

Notre vaste expérience de l’accompagnement nous a appris que « celui qui ne contribue pas ne s’approprie pas ». Autrement dit, pas de progrès sans effort. Les formations où défilent les Powerpoint ont largement fait la preuve de leur inefficacité. Nous refusons de faire de la formation-garderie car ce n’est pas ce dont les cabinets ont besoin. Après quelques semaines, avec un peu de recul, ils sont déçus car, malgré la promesse et l’enthousiasme du moment, leur cabinet n’a pas changé. Il ne s’est rien passé, car l’apprentissage est resté superficiel.

C’est pourquoi, nous voulons une approche différente, plus en profondeur. Dans leur intérêt, nous sommes exigeants avec les participants pour qu'ils s’impliquent vraiment dans leur propre réussite.

Et vos choix technologiques ?

P.B. - Pour être honnêtes, nous avons exploré pas mal de solutions avec beaucoup de déception à la clé. La plupart des plateformes que nous avons testées mettent l’accent sur la dimension administrative (gestion administrative des participants, décompte du temps passé sur la plateforme, monétisation de la formation…) ou ludique (création d’avatars, vidéos, …), mais peu sur la dimension apprentissage. Elles n’ont pas de véritable exigence pédagogique. La plupart des sites sont des hangars à diaporamas sans valeur ajoutée.

De votre point de vue, comment s'est déroulée votre collaboration avec Didask ?

P.B. - Nous avons été présentés à l’équipe de Didask par l’Ordre des Experts-Comptables d’Ile-de-France. Le Président souhaitait créer une formation efficace pour faire passer les collaborateurs de cabinet du statut de teneurs de comptes à celui de conseillers de proximité pour leurs clients TPE. L’enjeu était énorme pour la profession car il fallait leur faire désapprendre ce qu’ils avaient appliqué depuis des années.

L’Ordre est rapidement arrivé à la conclusion que les formations traditionnelles en ligne n’étaient pas adaptées mais que compte tenu du nombre de collaborateurs à former, des séminaires 100% présentiels n’étaient pas non plus envisageables. C’est pourquoi, ils ont sollicité Didask pour la plateforme d'apprentissage et Pluriel Consultants pour la conception du contenu de la formation.

Nous avons tout de suite été séduits par l’ambition du projet de Didask. Grâce à l’expertise pédagogique de l’équipe, nous avons très vite compris les avantages de cette approche en profondeur que nous n’avions jamais rencontrée jusqu’à présent. La formation que nous avons co-élaborée rencontre un réel succès. La combinaison entre les formations en ligne et les journées de regroupement en présentiel est très efficace. Les résultats sont très satisfaisants et les participants sont enchantés.

A titre d’exemple, un participant a indiqué dans une évaluation post-formation :

« On ressort de cette formation complètement changé et enrichi des différents échanges avec les collègues et les formateurs.Je pense que c'est la meilleure formation à laquelle j’ai, pour le moment, participé. L'approche d'apprentissage sur la plateforme est particulièrement novatrice comparé aux e-learning habituels ».

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À propos de l'auteur

Son Thierry Ly

Son Thierry Ly est chercheur et entrepreneur. Il a conçu l’idée de la plateforme Didask et de sa méthode d’apprentissage à partir des travaux de la recherche en psychologie cognitive. Il enseigne et conduit des travaux de recherche sur les politiques éducatives à l’Ecole d’économie de Paris. Il a travaillé en tant qu’expert éducation pour France stratégie, un think tank public rattaché aux services du Premier Ministre, pour lequel il a rédigé le rapport « Quelle finalité pour quelle école ? ». Très engagé dans la lutte contre les inégalités scolaires, il a fondé et a dirigé pendant 8 ans les programmes de l’ENS Ulm en faveur de lycéens issus des milieux populaires, qui lui ont apporté une forte expérience en ingénierie pédagogique. Son Thierry Ly est ancien élève de l’ENS Ulm et titulaire d’un doctorat en économie de l’éducation de l’ENS Ulm.

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